Crises communales : les prochaines assises nationales devront corriger et compléter les acquis du dialogue de 2011



La longue paralysie d’une commune Urbaine située dans la wilaya du Trarza vient d’être dénouée grâce à des tractations politico-administratives peu habituelles dans l’histoire récente des municipalités en Mauritanie.
On rappellera que cette crise résulte d’une défection de trois conseillers de la majorité municipale, manipulés, dit-on, par des éléments adverses cherchant à mettre en minorité, pendant les sessions, le Maire en fonction élu, comme on le sait, avec un score sans appel de 65% de suffrages des populations de Rosso.
Mais cette victoire, ayant été mal acceptée par la formation politique perdante, il était, dès lors, prévisible, aux yeux des observateurs, que le fonctionnement du conseil municipal allait être perturbé au cours de la mandature du Maire par diverses tracasseries venant, non seulement de ses adversaires politiques, mais aussi, d’une manière plus habile, de sa tutelle qui aurait préféré avoir affaire, dès le départ, à un Maire élu par le Parti au Pouvoir.
C’est donc l’ensemble de ces facteurs qui ont joué contre le Maire de la commune de Rosso, facteurs qui l’ont empêché, durant une longue période, de faire passer ses délibérations avec un quorum de voix suffisant pour la validité juridique de ses actes de gestion. La paralysie de l’organe délibérant de ladite commune ainsi provoquée à dessein par certains politiciens, a entrainé, indirectement, le blocage des avoirs financiers de cette institution publique par le Trésorier Régional qui attendait, selon lui, que la crise au sein du conseil municipal soit définitivement réglée pour les libérer.
Face à cette situation atypique, le Maire s’est trouvé sans budget pendant huit mois ; paralysie qui entraina aussi une mise en sommeil de tous les services municipaux chargés de la propreté de la ville et de la fourniture des services de base aux populations.
L’objectif ultime des opposants du Maire visait, par ces manœuvres, de le décrédibiliser auprès des populations qui l’ont démocratiquement élu. En tant qu’ ancien Maire d’une commune rurale, ayant été confronté à ce genre de problèmes et résidant de la dite capitale régionale, je ne peux que me réjouir du dénouement de cette crise obtenu grâce au nouveau wali dépêché spécialement pour résoudre ce contentieux qui n’aurait jamais dû exister si on avait respecté de part et d’autre, l’esprit des résolutions du dialogue organisé en octobre 2011 entre le Pouvoir et la CAP.
S’il est vrai, cependant, que les dites résolutions n’avaient pas, sur cette question, comme pour les parlementaires, expressément défini un régime de sanctions clair à retenir contre ceux qui s’adonnent au nomadisme politique à des fins déloyales, c’est le bon moment de saisir l’occasion, dans le prochain cycle de dialogue national, pour régler définitivement cette épineuse question afin de mieux garantir la stabilité d’un conseil municipal au cours de l’exercice de son mandat. Car le nomadisme politique –au cours de l’exercice d’un mandat électoral- est un acte qui doit être considéré comme un détournement du choix initial des électeurs.

En plus de cette importante question qui mérite d’être réglée en premier lieu, le prochain dialogue, devra aussi aborder trois autres points, non moins importants pour renforcer l’assise communale au niveau national :
Le premier point qui est d’ordre institutionnel consistera à mettre des gardes fous pour empêcher, dans le futur, toutes manœuvres abusives de blocage des fonds d’une commune par un Trésorier Régional ou un Percepteur qui agit à la fois sous deux étiquettes comme comptable, pour le compte de l’Etat et pour le compte de la commune.
Si le cumul des fonctions de Trésorier Régional ou de Percepteur et de Receveur Municipal par un seul fonctionnaire relevant administrativement du Wali ou du Hakem et hiérarchiquement du Trésor pouvait être considéré, à juste titre, comme une mesure d’économie et de mutualisation des moyens de la trésorerie de l’Etat au niveau local, aujourd’hui cet argument n’est plus défendable eu égard aux multiples missions de nos municipalités au premier rang desquelles on peut citer la lutte contre la pauvreté dans leurs communes respectives.
Aussi pour mettre fin à cette confusion anachronique des fonctions, les communes doivent disposer désormais de leurs Receveurs Municipaux choisi parmi les cadres proposés par le Trésor et être logés dans les propres locaux de leur commune respective. Ces Receveurs qui ont la qualité de comptables principaux, donc soumis aux vérifications des corps de contrôle et justiciables de la cour des comptes, doivent recevoir directement de l’Etat la totalité de leurs fonds :
subventions annuelles du FRD y compris le produit des taxes et impôts municipaux collectés par leurs agents ; au lieu de les faire transiter dans les comptes du Trésorier Régional ou du Percepteur.
Cette réforme n’entraine aucun bouleversement du système de base, car il suffit de réduire l’une des casquettes du Trésorier Régional ou du Percepteur par la nomination d’un Receveur Municipal relevant directement de chaque commune et disposant de ses propres fonds, mais justifiant ses écritures au Trésor. La seconde réforme qui doit être discutée dans le prochain dialogue, dont nous adhérons à la tenue prochaine, est la création d’une police municipale permettant aux Maires de mettre en exécution, en dehors de toute autorisation administrative préalable, leurs actes réglementaires et leurs délibérations déjà approuvés par la tutelle conformément à la Loi et aux règlements.
L’usage de la force publique par le Maire est une nécessité pour faire respecter ses arrêtés et décisions déjà approuvés par l’autorité administrative.
Enfin la troisième question qui devra être abordée, dans ce dialogue, est d’envisager le rétablissement de la fonction d’officier d’état civil des Maires. Car aujourd’hui les Maires ne signent aucun acte d’état-civil pour leurs populations alors qu’ils ont, juridiquement, la qualité d’officier d’état-civil dans leurs communes respectives et sont mieux placés pour attester, sur place, de la véracité des déclarations : de naissances, des décès, de mariages et de certification de vie et d’entretien de leurs administrés.

Hamedine Ndiaye Kane

Ancien Maire d’une commune rurale


Source; http://elhourriya.net

Mardi 31 Mai 2016
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