Crise politique ou structurelle ?

Ces jours-ci les confrères se délectent d’une discussion assez stérile sur le thème "sommes-nous en crise ?". Des débats sont organisés, de longues heures de discussions aussi creuses qu’ennuyeuses sont perdues pour... rien.



Crise politique ou structurelle ?
En effet, la situation du pays est tellement évidente qu’il relève de la mauvaise foi notoire de s’interroger même si l’on est dans une crise ou non. Ceux qui vivent dans cet enfer qui enveloppe ce pays comme un rouleau compresseur ne peuvent que s’étonner de la propension de nos intellectuels, plus que nos hommes politiques, à maquiller les choses et à vouloir toujours prolonger notre purgatoire.
En Mauritanie, la crise est devenue une réalité structurelle depuis la naissance même du pays. Les pères fondateurs, excusés par les aléas de la construction d’une entité sortant du néant, convoitée par les uns, combattue par les autres et minée dans son essence, ont fait ce qu’ils pouvaient faire dans les conditions de l’époque.
Et pour l’histoire, ils avaient tracé un chemin qui aurait pu, s’il n’y avait pas le malheureux épisode du Sahara, conduire notre pays vers des horizons plus propices à l’épanouissement et au développement de notre pays et de son peuple.
Seulement, la Mauritanie s’est enfoncée davantage dans les voies de l’abîme depuis que les militaires se sont emparés du pouvoir. C’était, pour ceux qui l’oublient souvent, en juillet 1978. A l’époque, le virage était aussi brusque que dramatique.
Il avait été opéré par des hommes défaits sur le terrain de la guerre, lassés de leur situation des laissés-pour-compte, peu sûrs d’eux-mêmes et qui n’avaient aucune voie de tracée dans laquelle ils devaient engager le pays.

Plus grave, fondé sur une alliance bizarre entre idéologues du nationalisme arabe encadrés par des féodalités tribales marginalisées par l’ancien système et des militaires, peut-être de bonne foi ou naïfs par les bords, le coup d’Etat de 1978 a ouvert la voie large au sectarisme idéologique, au racisme, au repli communautaire et à la tribalisation à outrance de la société.

Les nouvelles autorités, en court de programme, réveillèrent les démons de la division pour se maintenir au pouvoir. Elles fondèrent un système d’exclusion et dressèrent une ligne de séparation invisible mais perceptible entre les communautés, accordant à la leur toute la confiance, tous les privilèges, tous les avantages et mettant à sa disposition toutes les ressources du pays et tous les privilèges. Aux autres, l’exclusion, l’amertume et les frustrations. A ceux-là également, la crasse, le chômage, et la nudité.

Cette guerre livrée aux "entités marginales" que les idéologues du système ont fini par théoriser, atteindra son point de culminance avec les années de braise au prix des malheurs (devenus eux-aussi structurels) que tout le monde connaît !
Les régimes qui se succéderont n’oseront jamais la révision, ni la rupture. Au contraire… Ils construiront sur l’accumulé. Et comme une imposture a toujours besoin d’un socle toujours fort -fut-il fondé sur le mensonge- pour se maintenir, on noyautera l’institution militaire (devenue opaque et imperméable pour de nombreuses régions voire pour des communautés cibles toues entières), les milieux économiques et financiers pour en faire des succursales régissant la vie politique, sociale et culturelle du pays malgré une façade démocratique assez trompeuse et peu cohérente.
A chaque fois qu’une rupture est en passe d’être amorcée, le système se réveille et fait bloc et va même parfois jusqu’à susciter un choc. Celui-ci peut-être militaire ou électoral comme les derniers faits d’août 2008 ou d’août 2014 !

Il faut bien le dire, aujourd’hui comme avant, la Mauritanie est victime du système et de ses hommes politiques. Et si le dialogue piétine encore, c’est bien du fait de ces deux entités, mais surtout de la dernière citée. En effet, la classe politique, largement animée par des marionnettes, partie intégrante de ce système, n’a jamais cessé de faire couler le projet démocratique des réformes à même d’introduire une profonde révision du mode de fonctionnement des choses et de la gestion des affaires dans le pays.

Les conséquences qui découlent de cet état de fait que les acteurs politiques, économiques, intellectuels et sociaux refusent d’analyser en profondeur constituent la raison et la preuve de la persistance d’une crise, loin d’être politique, mais structurelle !

A bon entendeur salut !

Amar Ould Béjà


Source: http://lauthentic.info

Samedi 30 Mai 2015
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