Burkina: le lieutenant-colonel Zida Premier ministre



La transition civile à peine entamée au Burkina Faso, le lieutenant-colonel Isaac Zida, qui avait pris le pouvoir fin octobre à la chute de Blaise Compaoré, a été nommé mercredi Premier ministre, signe que l'armée va conserver toute son influence dans le jeu politique.


«J'en appelle à l'ensemble de la communauté nationale (et) internationale (...) à nous accompagner sans a priori pour gagner le challenge d'une transition apaisée», a déclaré M. Zida pour sa première allocution à ce poste.
Le gouvernement oeuvrera «en toute humilité» et «dans un engagement sacerdotal et patriotique» afin de «redonner confiance» au peuple par son «ardeur au travail», son «don de soi» et son absence de «calcul égoïste», a-t-il affirmé.
A peine nommé par un décret du nouveau président intérimaire Michel Kafando, investi la veille, le militaire donne donc des assurances.
Sa désignation semble en effet contraire aux voeux affichés de la communauté internationale, qui souhaitait une transition strictement civile après la chute du président Blaise Compaoré, chassé par la rue le 31 octobre après 27 ans de règne.
Isaac Zida, depuis lors au pouvoir, ne pourra, à l'instar de M. Kanfando, être candidat aux élections présidentielle et législatives de novembre 2015, qui marqueront la fin de la transition. Mais il disposera du pouvoir important de nommer les 25 membres du gouvernement, dont il communiquera la liste «au plus tard dans les 72 heures», a-t-il indiqué.
«Il va falloir voir dans quelle mesure cette nomination est de nature à changer l'orientation de la transition», a commenté Siaka Coulibaly, politologue et membre de la société civile.
La charte de transition, la constitution intérimaire, entérinée par armée et civils dimanche, n'a pas défini les attributions du président et du Premier ministre, a-t-il observé.
«On ne sait donc pas si le Premier ministre est un fusible, protocolaire, ou s'il aura véritablement du pouvoir», a analysé M. Coulibaly.
Pour un diplomate en poste à Ouagadougou, la réponse est évidente : «personne ne va se tromper, c'est (Zida) qui va diriger le pays». «Ce n'est pas la gueule de bois mais il y a un peu de ça», a réagi le diplomate, après l'ivresse d'une transition civile pour l'instant exemplaire.
«La question des sanctions», déjà envisagées par les partenaires du Burkina Faso pour contraindre l'armée à remettre le pouvoir aux civils après le 31 octobre, «pourrait se reposer», a-t-il estimé.
- inquiétude -
La nomination de Michel Kafando, un ex-ambassadeur expérimenté au profil de technocrate -soutenu
par l'armée-, au poste de président intérimaire avait fait «l'unanimité», a observé un autre diplomate.
«Compétent», M. Kafando «a laissé les meilleurs souvenirs à tout le monde» à l'ONU, où il a représenté le Burkina une quinzaine d'années au total.
Mais le maintien de l'armée au coeur du pouvoir, acté mercredi, a suscité une relative inquiétude de la société civile et un mécontentement parmi la plupart des habitants de Ouagadougou interrogés par l'AFP.
Seuls les membres de l'opposition semblent pour l'instant s'accommoder de la situation.
Il faut «accepter la nomination» de M. Zida, car l'«accompagnement des militaires», qui «représentent une composante à part entière» de la société, est «nécessaire», a déclaré Bénéwende Sankara, l'un de ses ténors.
La société civile reste vigilante, préférant attendre ses actes pour juger Zida. Au pouvoir, des civils sont parfois «pires que des militaires», relève Sams'K le Jah, chanteur et co-fondateur du Balai citoyen, un mouvement dont les capacités de mobilisation de la jeunesse ont compté dans la chute de Compaoré.
Plusieurs de ses membres dénoncent toutefois une «entente» entre opposition et armée, dont la société civile a été exclue, qui a permis l'attribution du poste de Premier ministre à un militaire.
Parmi la population, Moussa Yabré, hôtelier de 29 ans, a estimé que «la révolution vient d'échouer». L'armée «veut nous voler notre lutte», a pesté Assane Ilboudo, étudiant de 25 ans.
Véronique Kando, une commerçante de 36 ans, s'est réjoui qu'Isaac Zida puisse «continuer les balayages (limogeages)».
Car dans les faits, le nouveau Premier ministre avait déjà pris la main dans des domaines publics importants. Les patrons de la Société nationale burkinabè des hydrocarbures (Sonabhy) et d'électricité (Sonabel), proches du clan Compaoré, ont été remerciés «pour sabotage».
Ces mesures s'ajoutent à la suspension des conseils municipaux et régionaux, dans lesquels les pro-Compaoré étaient fortement majoritaires.
Mais le Burkina Faso reste un pays pauvre, aux faibles ressources, qui ne peut se passer de l'aide extérieure. La réaction de la communauté internationale -qui avait fortement contribué à un rapide retour à la transition civile- à la nomination de Zida, sera donc déterminante.

Source: http://www.20minutes.fr

Jeudi 20 Novembre 2014
Boolumbal Boolumbal
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