«La construction du récit continental africain passe par cette résistance exceptionnelle conduite par des hommes et des femmes épris de justice, d’équité et de valeurs universelles.» C’est la conviction de l’écrivain-poète et panafricaniste, Amadou Elimane Kane. Dans cet entretien, réalisé en marge de la célébration du trentenaire de la mort de Cheikh Anta Diop, l’auteur de l’œuvre Les fondements historiques du panafricanisme expliqués à la jeunesse revient sur la lutte pour les causes panafricanistes, tout en partageant sa lecture lucide de l’œuvre de l’humaniste sénégalais et parrain de l’Université de Dakar.
Pendant que l’on commémore le trentenaire de la mort de Cheikh Anta Diop, que vous inspire cette pensée qui est de lui : «L’histoire particulière de telle ou telle race doit s’effacer devant celle de l’homme tout court» ?
Vous savez, je crois fortement à l’idée de la justice humaine et dans l’histoire, on a vu des hommes engagés prendre la parole sur des luttes qui les dépassent eux-mêmes. Et c’est ce qui fait la beauté humaine. Quand Nelson Mandela défend la cause sud-africaine, il le fait au nom de la justice humaine et le monde l’a entendu, il a rendu ce combat universel et mondialiste. Dénoncer des injustices appartient à tous les hommes, quelles que soient leurs origines, leurs appartenances qui ne sont finalement que construction. Je pense aussi à Stéphane Hessel, cet homme de combat profondément humaniste, qui appelait à l’indignation générale sur le déséquilibre de notre époque contemporaine. Cela me parle, tout comme la pensée de Cheikh Anta Diop. Ou encore ce sont les mots de Aimé Césaire qui me viennent, «aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence et de la force». Toutefois, s’agissant du panafricanisme, il faut se positionner sur la ligne à défendre et ne pas se faire rattraper par les idéologies rampantes de la pensée unique. C’est pour cela que je défends l’unité culturelle africaine.
Dans votre ouvrage Les fondements du panafricanisme expliqués à la jeunesse, vous semblez faire passer, à l’instar de Cheikh Anta Diop, le message selon lequel : «Il faut faire basculer définitivement l’Afrique Noire sur la pente de son destin fédéral…» Comment cela est-il possible aujourd’hui, quand on sait que les aînés n’y sont pas parvenus, malgré leur bonne volonté ?
Parce que c’est une lutte qui ne doit pas s’arrêter aux seuls échecs. On sait bien que la résistance sera grande de voir le continent africain former une unité politique, économique, sociale et culturelle. Les forces idéologiques pour nous maintenir dans la dépendance sont nombreuses et puissantes, donc nous devons poursuivre ce combat, dans la réflexion et en mettant à terre toutes les injustices, les corruptions et le népotisme. Vous savez, nous sommes encore de jeunes nations, depuis les Indépendances, les décisions qui ont été prises n’ont pas conduit le continent sur la voie de l’épanouissement. Nous devons en prendre la mesure et bâtir enfin notre récit continental, en évitant les mêmes erreurs. Ce qu’il faut conduire c’est l’unité culturelle continentale.
Pour avoir revisité l’œuvre des précurseurs du panafricanisme, dites-nous si la pensée et l’œuvre de Cheikh Anta Diop s’inscrivent dans la même mouvance que celles de Edward Wilmot Blyden, Antenor Firmin, Benito Sylvain ou encore Henry Sylvester Williams ? Si ce n’est pas le cas, alors qu’est-ce qui différencie l’action panafricaniste de Cheikh Anta de celle des autres ?
Cheikh Anta Diop s’inspire des précurseurs du panafricanisme, il en assure la continuité et il va encore plus loin car le contexte et l’époque sont différents. Les précurseurs du panafricanisme que sont Edward Wilmot Blyden, Anténor Firmin, Benito Sylvain et Henry Sylvester Williams ont vraiment posé les bases pour contribuer à l’élaboration d’une nouvelle image du monde négro-africain. Si on y regarde de plus près, les montagnes à gravir, à cette époque, sont colossales. Au XIXe siècle, les populations noires et africaines sont victimes d’une discrimination très violente à l’issue de trois siècles de destruction absolument inédite dans l’histoire : déportation, Traite négrière et esclavage. Cette situation d’abomination voit également, par des volontés politiques stratégiques idéologiques et économiques du monde occidental, une radicalisation généralisée et un racisme effroyable avec le projet dévastateur de la colonisation des territoires africains. C’est dans ce contexte que des hommes appartenant à «l’élite de couleur» s’emparent du combat du panafricanisme pour rétablir la vérité, pour mettre fin aux massacres, pour restituer les droits essentiels humains et une image éclairée de la civilisation noire. Quand Cheikh Anta Diop entreprend son travail scientifique sur l’histoire culturelle de l’Afrique, il balaie l’obscurantisme du XIXème siècle et c’est cette marche qu’il franchit qui est particulièrement intéressante.
Source: http://ajd-mr.org
Pendant que l’on commémore le trentenaire de la mort de Cheikh Anta Diop, que vous inspire cette pensée qui est de lui : «L’histoire particulière de telle ou telle race doit s’effacer devant celle de l’homme tout court» ?
Vous savez, je crois fortement à l’idée de la justice humaine et dans l’histoire, on a vu des hommes engagés prendre la parole sur des luttes qui les dépassent eux-mêmes. Et c’est ce qui fait la beauté humaine. Quand Nelson Mandela défend la cause sud-africaine, il le fait au nom de la justice humaine et le monde l’a entendu, il a rendu ce combat universel et mondialiste. Dénoncer des injustices appartient à tous les hommes, quelles que soient leurs origines, leurs appartenances qui ne sont finalement que construction. Je pense aussi à Stéphane Hessel, cet homme de combat profondément humaniste, qui appelait à l’indignation générale sur le déséquilibre de notre époque contemporaine. Cela me parle, tout comme la pensée de Cheikh Anta Diop. Ou encore ce sont les mots de Aimé Césaire qui me viennent, «aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence et de la force». Toutefois, s’agissant du panafricanisme, il faut se positionner sur la ligne à défendre et ne pas se faire rattraper par les idéologies rampantes de la pensée unique. C’est pour cela que je défends l’unité culturelle africaine.
Dans votre ouvrage Les fondements du panafricanisme expliqués à la jeunesse, vous semblez faire passer, à l’instar de Cheikh Anta Diop, le message selon lequel : «Il faut faire basculer définitivement l’Afrique Noire sur la pente de son destin fédéral…» Comment cela est-il possible aujourd’hui, quand on sait que les aînés n’y sont pas parvenus, malgré leur bonne volonté ?
Parce que c’est une lutte qui ne doit pas s’arrêter aux seuls échecs. On sait bien que la résistance sera grande de voir le continent africain former une unité politique, économique, sociale et culturelle. Les forces idéologiques pour nous maintenir dans la dépendance sont nombreuses et puissantes, donc nous devons poursuivre ce combat, dans la réflexion et en mettant à terre toutes les injustices, les corruptions et le népotisme. Vous savez, nous sommes encore de jeunes nations, depuis les Indépendances, les décisions qui ont été prises n’ont pas conduit le continent sur la voie de l’épanouissement. Nous devons en prendre la mesure et bâtir enfin notre récit continental, en évitant les mêmes erreurs. Ce qu’il faut conduire c’est l’unité culturelle continentale.
Pour avoir revisité l’œuvre des précurseurs du panafricanisme, dites-nous si la pensée et l’œuvre de Cheikh Anta Diop s’inscrivent dans la même mouvance que celles de Edward Wilmot Blyden, Antenor Firmin, Benito Sylvain ou encore Henry Sylvester Williams ? Si ce n’est pas le cas, alors qu’est-ce qui différencie l’action panafricaniste de Cheikh Anta de celle des autres ?
Cheikh Anta Diop s’inspire des précurseurs du panafricanisme, il en assure la continuité et il va encore plus loin car le contexte et l’époque sont différents. Les précurseurs du panafricanisme que sont Edward Wilmot Blyden, Anténor Firmin, Benito Sylvain et Henry Sylvester Williams ont vraiment posé les bases pour contribuer à l’élaboration d’une nouvelle image du monde négro-africain. Si on y regarde de plus près, les montagnes à gravir, à cette époque, sont colossales. Au XIXe siècle, les populations noires et africaines sont victimes d’une discrimination très violente à l’issue de trois siècles de destruction absolument inédite dans l’histoire : déportation, Traite négrière et esclavage. Cette situation d’abomination voit également, par des volontés politiques stratégiques idéologiques et économiques du monde occidental, une radicalisation généralisée et un racisme effroyable avec le projet dévastateur de la colonisation des territoires africains. C’est dans ce contexte que des hommes appartenant à «l’élite de couleur» s’emparent du combat du panafricanisme pour rétablir la vérité, pour mettre fin aux massacres, pour restituer les droits essentiels humains et une image éclairée de la civilisation noire. Quand Cheikh Anta Diop entreprend son travail scientifique sur l’histoire culturelle de l’Afrique, il balaie l’obscurantisme du XIXème siècle et c’est cette marche qu’il franchit qui est particulièrement intéressante.
Source: http://ajd-mr.org